Il est des espèces que j’affectionne, que je suis depuis des années: la fouine, le moineau domestique, le surmulot… ainsi que les agrions, petites libellules qui apparaissent à la belle saison au bord de l’eau.
La naïade aux yeux rouges appartient à ce groupe. Il y a trois ans j’avais repéré un étang, à proximité de Paris, sur lequel un groupe de cette splendide espèce venait pondre. Le dessin que j’avais fait était très moyen: aux jumelles, la tâche n’était guère aisée.
J’y suis retourné en 2013, mais n’ai trouvé que quelques rares couples. La saison n’était probablement pas bonne.
L’an dernier, j’étais revenu, et là, bingo: des dizaines de couples en action sur les plantes aquatiques…
Armé de mon vieux télescope, je pouvais les dessiner à loisir. Le mâle s’accrochait à sa belle par dessus, qui elle, se submergeait pour pondre ses oeufs. Les couples changeaient fréquemment d’endroit, comme si ils dansaient sur l’eau, faisant brillaient leurs ailes sous le soleil de juillet.
J’aime observer les rapaces en général, les faucons en particulier. Ce sont des oiseaux de taille modeste mais avec leurs grands yeux, ils sont très expressifs. De plus, ils vivent souvent près des hommes. J’avais dessiné le crécerelle et le pèlerin sous tous les angles, il me restait le troisième: le faucon hobereau.
De taille intermédiaire entre ses deux cousins, c’est un superbe oiseau: noir le dessus, clair et strié le dessous, avec une « culotte » rousse. Son vol est rapide et élégant, tout en finesse: il est capable de capturer les libellules.
Dans une forêt au sud de la capitale, j’avais repéré son territoire, une vaste clairière avec des grands arbres. Et un jour de début de l’été, alors que je mangeais tranquillement mon sandwich, j’ai vu partir un faucon d’un vieux chêne. Je me suis éloigné, et ai jeté un coup d’oeil: il y avait un amas de branches à la mi-hauteur.
C’était un ancien nid de corneille, recyclé par le couple de faucon hobereau.
J’y suis repassé une semaine plus tard, prenant soin de me placer loin du nid. J’ai pu apercevoir l’adulte en train de couver. Mais l’autre parent, sûrement le mâle, donnait des alarmes. Il ne fallait pas insister, car sous pression, le couple pouvait abandonner leur progéniture.
J’ai laissé passer dix jours.
J’y sus revenu, toujours placé suffisamment loin du nid. J’ai vu une boule en duvet; l’unique poussin était en train de manger un passereau.
Les jours suivants, j’ai observé le jeune grandir à toute vitesse. Au bout de dix jours, il avait son plumage quasiment adulte. Il battait ses ailes, s’éloignant de plus en plus de son nid douillet.
Le lendemain, il n’y était plus. Ayant pris son envol, il restait tout de même dépendant de ses parents. Durant les semaines à venir, il devait apprendre à chasser les insectes et passereaux: une longue route de migration l’attendait, en direction de l’Afrique.